La religion est une illusion, disait Freud. Et non, il ne le disait pas par haine ni par supériorité intellectuelle, mais par une analyse approfondie de l’esprit humain. Car si l’on y réfléchit bien, qu’est-ce que la religion, sinon un réconfort pour une humanité terrifiée? Un refuge au milieu du chaos, une promesse d’ordre dans un monde qui ne suit aucune règle, à part celles que nous inventons nous-mêmes.
Avant de commencer, je tiens à clarifier quelque chose : ce n’est pas une attaque personnelle, ce n’est pas une vérité absolue, c’est simplement une analyse, un point de vue. Aujourd’hui, nous allons explorer l’une des critiques les plus connues de la religion, formulée par l’un des penseurs les plus influents du XXe siècle, Sigmund Freud, et nous allons le faire sans détour, sans fioritures, avec la brutalité avec laquelle lui-même l’a abordée.
Freud le voyait clairement : la religion n’est pas seulement un mécanisme psychologique individuel, mais une structure de contrôle social, quelque chose qui façonne nos esprits depuis l’enfance, qui nous dit ce qui est bien et ce qui est mal, ce que nous devons craindre et à qui nous devons obéir.
Et le plus terrifiant de tout cela, c’est que nous faisons tout cela sans le remettre en question. Parce que, dès notre naissance, on nous enseigne qu’il y a quelqu’un qui prend soin de nous, qu’il y a une présence supérieure qui nous protège du danger, qui nous donne du sens lorsque tout semble vide.
Et n’est-ce pas ce qu’un enfant ressent pour ses parents? N’est-ce pas exactement le même mécanisme? La différence, c’est que l’enfant grandit, mûrit, et à un moment donné, il comprend que ses parents ne sont pas des dieux. Mais avec la religion, avec la religion, cela ne se passe pas ainsi.
Freud disait que la foi religieuse est une forme d’immaturité émotionnelle, un mécanisme de dépendance qui nous maintient attachés à une figure paternelle imaginaire. Nous avons peur de l’incertitude, nous avons peur de l’idée que nous sommes seuls, qu’il n’y a personne là dehors pour nous soutenir. Alors, nous construisons un récit dans lequel cette présence existe. Mais à quel prix ? La religion, en offrant des réponses absolues, nous prive du droit de douter.
Elle nous donne des règles, oui, mais elle nous prive aussi de la liberté de les remettre en question. Elle nous dit quoi penser, quoi ressentir, quoi faire. Et non, je ne dis pas que c’est intentionnel, Freud ne disait pas non plus cela. Il ne s’agissait pas de quelqu’un ayant conçu la religion comme un plan pour contrôler les masses, il s’agissait du fait que la religion, par sa propre nature, fonctionne comme un système de contrôle.
Parce que voici ce qui est intéressant : elle ne régule pas seulement la psyché individuelle, elle façonne aussi le tissu social. La culpabilité, le péché, l’obéissance… toutes ces idées ne sont pas seulement des expériences, ce sont des structures collectives qui régissent la vie en communauté. Et c’est ici que Freud porte son coup le plus fort : la religion fonctionne comme un trouble obsessionnel-compulsif collectif. Réfléchissez-y : combien de fois une personne religieuse répète certains rituels dans l’espoir de se sentir en sécurité ? Prières, confessions, pénitences… Freud le voyait de façon brutale : la religion est un ensemble de rituels conçus pour apaiser la peur de l’inconnu. Mais, comme dans un trouble obsessionnel-compulsif, ces rituels n’arrivent jamais à apaiser totalement l’anxiété. Il y a toujours plus de règles à suivre, plus d’étapes à accomplir, plus de normes à respecter.
La question est : combien de tout cela est réellement nécessaire et combien est simplement une façon de nous maintenir prisonniers d’une enfance éternelle? Parce que voici la partie la plus troublante : Freud ne voulait pas détruire la religion. Ce n’était pas son objectif. Il ne s’agissait pas de dépouiller les gens de leur foi sans plus de cérémonie. Il s’agissait de quelque chose de bien plus profond : il s’agissait de comprendre pourquoi nous avons besoin de la religion en premier lieu. Quel vide comble-t-elle? Quels peurs cachons-nous avec elle?
Parce que, selon Freud, la maturité émotionnelle ne consiste pas à trouver des réponses absolues, elle consiste à accepter qu’il n’y a pas de réponses définitives, à assumer l’incertitude, à comprendre que nous sommes seuls dans l’univers et que, loin d’être une malédiction, cela peut être une libération. Mais bien sûr, la liberté fait peur. Penser qu’il n’y a pas de plan directeur, qu’il n’y a pas de justice cosmique, que personne ne viendra nous sauver, c’est terrifiant. Mais c’est aussi le premier pas pour être vraiment libre, pour vivre sans peur, pour prendre le contrôle de notre propre existence, au lieu de la remettre à une idée imposée.
Et voici la question que vous devez vous poser : jusqu’à quel point votre foi est-elle un choix et jusqu’à quel point est-ce une programmation que vous n’avez jamais osé remettre en question? Parce que la véritable maturité émotionnelle n’est pas de rejeter la religion pour rien, ce n’est pas devenir un sceptique aveugle, c’est comprendre que nous pouvons être maîtres de notre pensée, que nous pouvons analyser ce que nous croyons sans peur, que nous pouvons lâcher les béquilles émotionnelles lorsque nous sommes prêts.
Freud n’a jamais dit que ce serait facile, il a seulement dit que c’était nécessaire.
Alors, maintenant, la décision vous appartient. Vous continuez à croire parce que vous y croyez vraiment ou parce que vous ne vous êtes jamais permis de douter? La réponse, comme toujours, est en vous.
Et c’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes. Parce que si la religion est un système de contrôle social basé sur un besoin émotionnel, la question suivante devient inévitable : quelles autres structures ont hérité de ce mécanisme? Quelles autres institutions ont appris à manipuler la peur, l’incertitude et la culpabilité pour nous garder sous contrôle?
Freud a ouvert une porte qui va bien au-delà de la foi religieuse. Sa critique ne nous oblige pas seulement à nous demander pourquoi nous croyons en Dieu, mais aussi pourquoi nous croyons en n’importe quel système qui nous promet sécurité en échange d’obéissance. Parce que, si vous y réfléchissez bien, la religion n’est pas le seul récit qui nous rend dépendants d’une autorité supérieure. Regardez autour de vous : combien de systèmes nous disent ce qui est juste et ce qui est faux sans que nous osions même les remettre en question? Combien nous promettent la rédemption si nous suivons certaines règles et nous condamnent si nous nous écartons du chemin tracé ?
La politique, l’éducation, la morale… toutes fonctionnent selon une logique très similaire à celle de la religion. Elles comprennent toutes une chose fondamentale : l’être humain, quand il a peur, cherche de la structure, cherche une autorité qui lui dise quoi faire. Et si ce n’est pas Dieu, ce sera l’État, la société, la culture. Quoi que ce soit qui nous fasse sentir qu’il y a un ordre dans le chaos.
Freud comprenait que la peur de l’incertitude est l’outil de contrôle le plus puissant qui existe. Parce qu’une personne qui accepte l’incertitude est une personne qui n’a pas besoin de béquilles, et quelqu’un qui n’a pas besoin de béquilles est une personne impossible à contrôler.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on nous enseigne depuis tout petits qu’il y a des règles qu’on ne doit jamais enfreindre? Pourquoi le système éducatif ne vous enseigne pas à questionner, mais à mémoriser? Pourquoi la politique nous divise en camps, comme si c’était des religions modernes où chacun croit détenir la vérité absolue? Parce que l’autonomie réelle est dangereuse. Un individu qui n’a pas peur de l’inconnu est quelqu’un qui ne s’accroche pas aux dogmes, quelqu’un qui n’a pas besoin de figures d’autorité pour se sentir en sécurité. Et un monde rempli d’individus ainsi est un monde ingouvernable.
Voici ce qui est le plus troublant : Freud ne parlait pas seulement de la religion, il parlait de l’être humain dans sa totalité, de notre fonctionnement, de la manière dont, sans le réaliser, nous abandonnons notre liberté pour des certitudes fausses.
Et nous le faisons parce que la vraie liberté donne le vertige. Il est plus facile de croire qu’il y a un plan, que tout a un sens, que quelqu’un veille sur nous. Il est plus facile d’accepter les normes qui nous ont été imposées que de nous demander si elles ont un sens. Parce qu’en commençant à les remettre en question, nous commençons à comprendre que beaucoup d’entre elles ne sont pas là pour nous protéger, mais pour nous contrôler.
Et si vous suivez ce fil, tôt ou tard, vous arriverez à la question la plus inconfortable de toutes : combien des croyances qui régissent votre vie sont réellement les vôtres? Combien avez-vous héritées sans les remettre en question? Combien continuez-vous à répéter parce que c’est ainsi qu’on vous a appris, et non parce que vous les avez analysées par vous-même?
Parce que la religion n’est peut-être que le début, le premier maillon d’une chaîne beaucoup plus longue, une chaîne qui s’étend à chaque aspect de votre vie : depuis ce que vous croyez, jusqu’à la manière dont vous vous comportez, ce que vous désirez et ce que vous craignez. Freud avait cela clair : la seule façon de briser cette chaîne est d’affronter directement l’incertitude. Cesser de chercher des réponses absolues.
Cesser de s’accrocher à des récits réconfortants. Parce que la vérité, la vraie vérité, n’est écrite dans aucun livre sacré, dans aucune doctrine politique, ni dans aucun code moral imposé. La vérité est dans le doute, dans la capacité de remettre en question tout ce qu’on nous a dit, dans le courage de construire notre propre signification au lieu d’accepter ce qu’on nous a donné.
Mais bien sûr, c’est difficile, insupportablement difficile, parce que cela signifie accepter que personne ne viendra nous sauver, que nous sommes seuls dans l’univers, et que, loin d’être une malédiction, c’est ce qui nous rend vraiment libres.
Et voici la dernière question, la plus importante de toutes : êtes-vous prêt à vivre sans béquilles ou continuerez-vous à vous y accrocher, sachant qu’elles ne sont qu’une illusion?